“Faire et non subir, tel est le fond de l’agréable.”

Citation d’Alain dans « propos sur le bonheur ».

Voilà qui donne le ton de ce livre. Celui qui met sur la table les moyens du bonheur, celui qui nous fait réaliser que le bonheur n’est peut-être pas un bien inaccessible, le bonheur n’est peut-être pas le Graal.

Nous avons affaire là, a un véritable guide de vie, le bonheur pour les nuls en quelque sorte. À la manière d’un stoïcien, Alain décrit les raisons du malheur humain et se positionne en tant que garant de votre bien-être mental. Il ne faut pas, selon moi, lire Alain comme on aurait tendance à le faire lorsque l’on cherche uniquement un repos dans la lecture. Nous devons réfléchir, analyser et surtout le comprendre. Il faut le vivre, le ressentir en nous, laisser ses propos infuser en notre sein. Prendre le temps de lire et relire chaque partie. Afin d’y comprendre l’entièreté des propos du philosophe. Pourquoi ? Il suffit de lire le titre du livre pour avoir la réponse à cette question. « Propos sur le bonheur », quoi de plus explicite ? À l’heure tiktoienne, le monde est rivé sur un écran géant, la fuite du monde réel se fait encore plus pressante, en témoigne l’augmentation du nombre de plateformes de streaming. L’humain de 2024 veut du divertissement, encore plus de divertissement. Mais qu’y a-t-il de plus important que les mouvements de notre propre âme ? Notre soif de divertissement ne peut pas empiéter sur cette nécessaire vitalité. Nous nous plaignons de malheur sans savoir pourquoi, de déprime, de profonde tristesse sans véritable traumatisme, la flemme, le mal du siècle. Au risque d’en décevoir beaucoup, Alain n’a pas de potion magique pour faire face à ces maux. Néanmoins, en mettant des termes sur les raisons de nos peurs, notre tristesse, nos anxiétés… Alain nous invite à visualiser le monde extérieur et intérieur dans un ensemble. Et à de nombreuses reprises, je prends le pari, vous verrez peu à peu le poids de votre vie que s’envoler peu à peu et alors, semblable à la pensée Nietzschéenne, votre esprit flânera au-dessus des jardins ensoleillés par Alain, tel un papillon. En frôlant à la limite du stoïcisme à certains moments, Alain a écrit là une réelle carte au trésor, avec en vue, le plus grand et le plus rare de ces derniers, le Bonheur avec un grand B ! Je vais tenter ici de vous exposer les raisons d’un tel chef-d’œuvre !

Tout d’abord, il est à noter que ce livre est un recueil des différents « propos » qu’Alain écrivait dans la presse. Il en a ensuite été décidé de les réunir sous le merveilleux nom de propos sur le bonheur.

Dans ce recueil, Alain fait apparaître, à la manière d’un peintre, les raisons de notre malheur. Alain partage la vision de Pascal, en voyant l’être humain telle une machine à divertissement. L’Homme ennuyé est un Homme malheureux. Pour Pascal, « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre ». On retrouve plus ou moins la même pensée dans « propos sur le bonheur ». Le bonheur se trouve alors dans l’action ? Oui, mais non. Dérisoire à première vue, cette idée est pourtant logique. Pour Alain, l’Homme le plus heureux du monde, est un commissaire de police, qui doit alors traiter de nombreuses enquêtes très variées et plus ou moins grave. Vous l’aurez compris, le bonheur se trouve alors dans l’action variée. Alain se veut comme un ennemi de la routine, une action que l’on connaît déjà par cœur, n’est qu’ennui. Nous n’avons plus qu’à sentir sur nos épaules le terrible fardeau du temps, celui-là même qui accable l’être humain et lui fais sentir toute sa misère. L’Homme n’a plus qu’à contempler au fond du gouffre misérable, la mort qui le guette, tel un illusionniste, elle lui fait imaginer sa présence. On la sent rôder autour de nous, jusqu’à nous plonger dans le plus profond des malheurs. L’illusion de l’ennui prend forme, et cette forme, tient une faucheuse entre ses mains.

Le fait que le mot imaginé soit en gras, est évidemment un choix. On apprend des meilleurs ou non 😉. L’imagination. Voilà un bien grand mal universel. Pour Pascal, l’imagination est la reine du monde. Alain semble bel et bien apprécier la philosophie du janséniste qu’il qualifiera de « génie ». Dans un propos intitulé, « imagination », Alain peint le portrait de notre seul ennemi sur terre. Une imagination trop cultivée, n’a qu’un seul but, imager un potentiel malheur qui nous tend les bras dans un futur proche. Sa plus grande force réside dans le fait que l’imagination engendre l’imagination. On est alors plongé dans un cercle vicieux qui ne finit pas et les scénarios se diabolisent tous les uns après les autres.

Durant votre lecture, Alain se positionnera comme votre mentor, ce vieil homme qui a compris la vie vous insuffle tranquillité et calme d’esprit. Par ce que c’est là à mon sens l’indubitable vocation des « propos ». Certes, l’écriture d’Alain est excellente, sous forme de phrase courte, mais puissante et très claire. Néanmoins, l’essentiel est ailleurs, il ne s’agit pas de la forme, mais du fond. De sorte que l’on n’achète pas un paquet de bonbons parce que le paquet est joli, mais pour leurs goûts, leur texture… Et bien, il faut, je pense, voir Alain à l’instar de ce paquet de bonbons, et le déguster peu à peu et le laisser remplir nos pensées de douceur et de joie. Ces mots, que l’auteur a mis sur ces pensées, se révéleront être d’une véracité extraordinaire. Ce qu’il y a d’excellent dans ce livre, ce n’est pas que ce qui est dit est complexe, mais les propos tenus sont relativement simples, pour nous faire comprendre ce qui nous semble la chose la plus complexe du monde, le bonheur. Nous apercevons alors que la vie est simple, et qu’il nous suffit de l’analyser. Mais il n’est pas simpliste de faire simple.

Dans ce livre, Alain explore principalement les thèmes de notre « malheur ». Il agit comme une cage, que l’on pense constituer d’un métal inviolable, mais Alain agit comme un mystificateur, et transforme ce métal en une porcelaine que l’on détruit au premier coup-de-poing. La vie est en réalité simple, on se tue à la rendre compliquée et triste. L’Homme n’a guère d’autres ennemis que lui-même, il joue contre lui. Le philosophe aime à de nombreuses reprises utiliser l’image du nourrisson qui hurle pour une douleur, mais à force de hurler se fait d’autant plus mal et alors continue de hurler. Pour Alain, l’être humain n’a guère plus évolué depuis le berceau. À la seule différence que la douleur n’est pas physique, mais mentale. Il vous arrive un mal, l’action est déjà finie et le fleuve continue de s’écouler. Mais on se torture à faire renaître ce mal, on se transforme en un mystique médecin légiste qui fait revenir à la vie une chose déjà morte depuis longtemps. Et alors, on se fait hanter par ces fantômes du passé que nous avons nous-même créé, et que nous pouvons nous-même détruire. Mais nous les laissons, nous les laissons hanter nos nuits, nos journées, nos sorties… Cela nous parait tellement vrai, nous perdons le contact avec la réalité.

Je ne vais pas ici explorer tous les thèmes présents dans ces propos. Cela serait volé le travail génial d’Alain. Mais je vous encourage très chaudement de lire ce recueil. Prenez votre temps, mettez en pratique ces précieux conseils. Et la vie qui parait si difficile, ne s’en trouvera que plus ensoleillés, même les jours les plus pluvieux de novembre.

Bref, lisez Alain, faites le lire !

Notes : 9/10 😊 😉 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *